samedi 13 février 2016

Mener une partie dans le thème des superstitions

Comme tu le sais déjà probablement, le thème du prochain colloque Bob le rôliste est la superstition.

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Dans le premier article de la série, nous avons donné quelques synopsis dans le thème.

Il reste un problème crucial pour le meneur qui souhaite animer une partie en première partie du colloque : retranscrire l'ambiance.


Il y a des meneurs qui se moquent un peu du thème. Ceux là vont prendre n'importe quel scénario, ajouter par-ci par-là un trèfle à quatre feuilles ou un chat noir et considérer que c'est bien suffisant. Mais si tu lis ces lignes, je suppose que tu n'es pas de ces MJ, et que tu as envie que tes joueurs sortent de la séance en considérant qu'ils ont joué des personnages en butte aux superstitions.

Or, la superstition, je vais pas te mentir, c'est un thème difficile à mettre en ambiance. Une superstition n'a pas d'effet physique sur les personnages, elle ne dialogue pas avec eux, elle ne prend pas toute la place dans le décor, elle n'est pas une menace par sa seule présence, elle n'évoque pas immédiatement un scénario... Et puis tu sais bien comme les joueurs savent oublier un travers de leur personnage quand la situation l'exige, tu imagines bien qu'une superstition sera encore plus difficile à interpréter, dans la mesure où le joueur n'y croit pas lui-même.

J'ai réfléchi à la question, et cela m'a donné quelques idées, que je partage avec toi aujourd'hui.

La superstition, c'est les autres

Parfois, la manière la plus simple de résoudre un problème, c'est de le contourner. Concernant la superstition, plutôt que de forcer les personnages des joueurs à suivre une superstition, on peut leur balancer la superstition dans la figure. Bref, si tu ne vas pas à la superstition, c'est la superstition qui vient à toi !

Concrètement : l'intrigue du scénario est apportée par un personnage non joueur (PNJ) ou une communauté de PNJ et sa superstition. Voire par un livre relatant des superstitions (qui deviennent réelles pour une raison magique)  ou tout ce que ton imagination peut te dicter, du moment que ça ne vient pas des PJ.

La superstition est alors un phénomène extérieur au groupe qui va s'imposer à lui et le pousser à réagir, non un moteur interne source d'aventures.

La superstition, c'est les règles

Si tu veux franchir l'obstacle plutôt que le contourner, le plus évident est d'intégrer la superstition dans les règles. Ajouter un travers de personnage, tu sais aussi bien que moi que ça ne marche pas toujours avec des prétirés en convention. Le risque est la dilution : si tous les PJ sont superstitieux, avec un nombre important de superstitions, les joueurs vont plus s'attacher à ce qui caractérise vraiment leur personnage et oublier ce qui est commun, d'autant plus s'ils doivent penser à plusieurs superstitions !

Une première possibilité, c'est de n'avoir qu'un seul personnage-joueur superstitieux, avec une croyance très caractéristique et liée à ce qui est présenté dans le scénario. Théoriquement, si tu présentes le concept du PJ superstitieux, tu auras bien au moins un joueur qui va adhérer à l'idée, et puisqu'il sera motivé pour le jouer, il y a des chances pour que ça réussisse. Avec une superstition unique, il devrait s'en souvenir aisément au moment de la jouer !

Une seconde voie consiste à jouer avec les règles. Pourquoi les joueurs (du moins chevronnés) flippent-ils à la moindre alerte à Cthulhu ? Tout simplement car ils savent que leur personnage est fragile et qu'il ne fera pas le poids, c'est le principe même du jeu !

Pour qu'un joueur se mette à prendre les superstitions au sérieux, il suffit de les intégrer dans les règles, de manière à ce qu'il sache que croiser un chat noir (par exemple) va effectivement faire monter ses probabilités de voir un malheur lui arriver.

Un système assez sympathique pour le faire peut consister en un pot à dés placé du côté des joueurs. Quand un présage porte-malheur arrive, le MJ prend un dé. Il peut ensuite utiliser les dés pour faire survenir des ennuis, renforcer leurs antagonistes ou leur faire relancer un jet bien réussi. Une fois utilisé, le dé est remis dans le pot des joueurs. Une action porte-bonheur d'un joueur peut aussi forcer le meneur à rendre un dé.

Tu te dis peut-être que c'est bien joli, mais que le propre des superstitions, c'est leur irrationalité. En modifiant les règles du jeu pour leur donner un impact, tu leur donne une rationalité. Avec ces modifications, un porte-malheur n'est plus une superstition, mais une réalité mathématique. Ça ne va plus du tout !

Là-dessus, ma seule réponse, c'est que tu peux parler de modifications de règles aux joueurs, sans pour autant les appliquer. Si un PJ doit passer sous une échelle, tu lui demande s'il est sûr de le faire, puis une fois qu'il a confirmé, tu fais rouler un dé derrière ton écran et tu arbores un sourire un peu narquois, comme peut le faire tout bon MJ un peu truand. L'important, c'est que le joueur croie que la superstition est intégrée dans les règles, pas qu'elle le soit pour de vrai ! Si tu appliques l'idée du pot de dés, rends les dés aux joueurs quand un adversaire réussit bien un jet de dés, qu'un problème prévu dans le scénario survient, ou après qu'un joueur a réussi un jet de connaissance/perception/bluff/... (dans ce dernier cas, c'est absolument machiavélique, car le joueur va croire que son personnage a échoué par le pouvoir de ce dé, et qu'il dispose donc d'informations erronées, incomplètes, ou qu'il a été démasqué sans s'en rendre compte - bien sûr, le meneur doit bien jouer la comédie).

Tu te rends compte, j'espère, qu'avec cette dernière astuce, tu vas véritablement rendre tes joueurs superstitieux ! En effet, croire en une règle de l'univers qui n'existe pas, n'est-ce pas une définition rôlistique de la superstition ?

La superstition, c'est les joueurs

Nous avons parlé de contourner l'obstacle ou de passer dessus. On peut aussi faire ce à quoi personne ne s'attend en creusant à travers.

Les joueurs ont leurs propres croyances. Je viens de parler des règles, mais maintenant, je vais te parler du thème. Si tu présentes à des joueurs expérimentés ton jeu comme étant du Cthulu, ils vont s'attendre à découvrir des choses horrifiques qui pourraient faire tomber leurs personnages dans la folie. Non seulement à cause des règles, mais aussi du thème. Le principe d'un scénario Cthulhu, c'est pas de faire de la politique ou de la résolution de crime ordinaire dans les années vingt...

Où je veux en venir ? Imagine-toi, je suis un MJ, et je te présente mon jeu ainsi :
On va faire un jeu de rôle historique, dans les années 1920. Vous êtes un groupe d'archéologues français qui font des fouilles dans les tombes égyptiennes. Les autochtones croient qu'une malédiction règne sur ces tombes, et plusieurs d'entre eux ont tenté de vous convaincre d'abandonner votre expédition. Vous craignez qu'ils aillent plus loin que les mots.
En tant que joueur, tu vas probablement considérer que nous sommes dans un scénario où la superstition est en-dehors du groupe de joueurs, et où il va falloir combattre celle des autochtones.
C'est assurément dans le thème.

Maintenant, imagine que je commence plutôt comme ça :
 On va faire un scénario avec les règles de Cthulhu. Vous êtes un groupe d'archéologues français qui font des fouilles dans les tombes égyptiennes. Les autochtones croient qu'une malédiction règne sur ces tombes, et plusieurs d'entre eux ont tenté de vous convaincre d'abandonner cette expédition. Vous avez vous-même eu des doutes car l'un de vos aides, Aziz, est devenu fou après avoir lu de très anciennes et mystérieuses hiéroglyphes. Mais bon, vous ne pouvez pas laisser tomber si près du but alors que les anglais rôdent non loin et veulent vous piquer votre découverte !
 Là, je pense que tu vas t'attendre immédiatement à un scénario dans lequel la malédiction de la tombe n'avait rien d'une simple superstition, à cause de quelques détails différents... Du coup, ton personnage sera plus facilement amené à croire à la malédiction, dans la mesure où le joueur y croit.

Là où va résider l'astuce pour que les joueurs interprètent bien la superstition, c'est de leur faire croire qu'ils sont dans un scénario fantastique, simplement par le choix des mots dans l'introduction, même si dans la réalité la superstition ne repose sur aucune base tangible.

Inversement, tu peux leur faire croire qu'ils sont dans de l'historique pur quand tu viens de préparer une plongée dans le fantastique. Ainsi, les joueurs seront réellement surpris quand ils verront le premier tentacule.

Conclusion

Voilà, je viens d'exposer les quelques pistes auxquelles j'ai pensé pour faire sentir la superstition autour de la table.

Et toi, sur quelle piste es-tu parti pour écrire ton scénario pour le colloque ? Une des trois, où une autre à laquelle je n'ai pas pensé ?

Yoda

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