lundi 11 février 2019

La dictature des dés


La dictature parfaite aurait les apparences de la démocratie ; une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader ; un système d’esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude. -  Aldous Huxley


Vous arrivez à la fin d'un scénario orienté enquête. L'un des joueurs incarne un combattant qui n'a pas été très utile de toute la séance. Il y a un combat, enfin l'occasion pour lui de briller. Et c'est à ce moment que s'enchaînent pour lui les mauvais jets, son personnage ne touche rien du tout. Ce sont les personnages des autres joueurs qui sauvent la situation et passent pour de meilleurs combattants que le guerrier du groupe.


Le mage du groupe a un sort de conversation avec les dragons. Au moment de rencontrer le dragon, le meneur demande à tous les joueurs de faire un test contre la peur. Pour le joueur du mage, ce n'est qu'une formalité, il est sûr de réussir sauf échec critique... ah bah justement, échec critique !

 

Le vaisseau du groupe est poursuivi par des pirates de l'espace. L'occasion de se détendre avec un combat simple au milieu d'une enquête difficile. Les pirates font un tir critique avec un dé qui explose. Après consultation du résultat, il n'y a pas que le dé de dégâts qui a explosé... le vaisseau des personnages aussi. Fin de la campagne.


Un joueur a spécialisé son personnage dans le combat à l'arc. Lors d'une embuscade, il se prend une flèche, c'est un coup critique ! Le meneur lance le dé de localisation, c'est un bras. Puis celui des dommages critiques, l'amputation est inévitable. Tu as déjà tenté de tirer à l'arc avec un seul bras ?


Un indice crucial pour la suite du scénario doit être trouvé par au moins un personnage-joueur. La difficulté est minime. C'est évidemment à ce moment que tous les joueurs ratent leur jet de compétence. Dommage, les personnages ne réussiront jamais leur quête.


L'un des personnages du groupe est un séducteur. C'est ainsi que son joueur le décrit, et pas de doute possible en regardant ses caractéristiques, toutes les femmes devraient tomber à ses pieds. Là, c'est la théorie. En pratique, le joueur a été carrément malchanceux : à chaque scène de séduction pendant la campagne, il a raté lamentablement ses jets de dés. Dans la pratique, le séducteur du groupe, ce n'est pas lui, les autres personnages le surnomment "rateauman".



Si tu as assez de parties au compteur, tu as sûrement déjà vécu des épisodes similaires.

Il y a des moments dans une séance de jeu de rôle où le hasard est contre nous. C'est normal, ça fait partie du jeu. L'histoire et la narration s'alimentent des échecs des personnages.

Là où je parle de dictature des dés, c'est quand les échecs desservent l'histoire. Quand au lieu de la faire rebondir dans une direction inattendue et intéressante, ils apportent de la frustration, rendent un personnage sans intérêt aux yeux de son joueur ou font rater un épisode crucial.

Une partie de ces cas concernent directement le meneur de jeu. C'est son scénario qui est en train de partir n'importe où. Dans ce cas, la solution est souvent relativement simple, il suffit d'être un peu truand. Je l'ai déjà écrit de nombreuses fois, les systèmes où le seuil de difficulté est inconnu des joueurs permet de faire réussir tous les jets importants. Et un scénario, ça se modifie au gré des besoins.

Une autre solution pour se débarrasser de la dictature des dés consiste à... ne pas les lancer ! Si les résultats d'un test te font chier, décrète immédiatement la réussite ou l'échec. Alors c'est vrai, certains joueurs risquent de protester un peu, surtout si on leur promet l'échec. La plupart des joueurs détestent encore plus la dictature du meneur que celle des dés. Dans ce cas, propose-leur le test, dont le résultat nuancera la réussite ou l'échec prédéterminé. Par exemple, jamais le mage ne fuira devant le dragon, mais en cas d'échec à son test de sang-froid, il va bégayer pendant tout son entretien avec le seigneur des cieux.


Et quand tu es joueur ? Avoue que tu l'as déjà connue, cette petite boule au ventre quand la spécialité de ton personnage, là où tu as mis le plus de points, c'est là où tu rates toujours.

La première des choses à garder en tête, en tant que joueur (et aussi en tant que meneur), c'est que le résultat d'un test comprend deux choses : la compétence et l'aléatoire. J'enfonce une porte ouverte, non ? Alors, pourquoi nous oublions si souvent de prendre en compte ces valeurs dans l'interprétation des résultats ?

C'est pourtant très simple à prendre en compte : le personnage qui vient de rater à cause d'un jet de dé très faible, c'est qu'il a sûrement subit une circonstance aléatoire qui l'a empêché de réussir. Même si cette circonstance n'est pas forcément connue des joueurs. Par exemple, quand le baratineur professionnel échoue, ses camarades peuvent l'avoir trouvé très convaincant.

Bien entendu, ce serait un peu lourd de prendre en compte ces résultats à chaque jet de dés. Par contre, quand un joueur s'exclame que le sort s'acharne contre lui, n'oublie pas de tenir compte de cette dimension. Ainsi, à la fin de la campagne, notre séducteur aura la réputation de toujours mettre à l'épreuve la pureté des saintes. Notre guerrier qui a raté tous ses jets au seul moment où il pouvait briller, son talent avait attiré une partie des ennemis et il a contribué de cette manière au combat final, malgré sa malchance.


Si le thème de la dictature t'intéresse, n'hésite pas à venir au colloque Bob le Rôliste, le 2 mars prochain à la maison des jeux de Nantes.


C'est gratuit, c'est une ambiance conviviale et c'est 100% jeu de rôle ! Comme l'an dernier, c'est à partir de 14h.

Et toi, as-tu des anecdotes où tu as subi la dictature des dés ? N'hésite pas à raconter tes malheurs en commentaire !

Yoda

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